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Книга Вольтер и его книга о Петре Великом - Евгений Францевич Шмурло

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sciemment tous ses actes. Il sut cependant motiver le verdict de façon à éviter au tsar un trop long blâme.

«Si nous avons contre nous – écrivait-il à Šuvalov – les Anglais, nous aurons pour nous les anciens Romains, les Manlius et les Brutus. Il est évident que si le czarevitz eût régné, il eût détruit l’ouvrage immense de son père, et que le bien d’une nation entière est préférable à un seul homme. C’est là, ce me semble, ce qui rend Pierre le Grand respectable dans ce malheur; et on peut, sans altérer la vérité, forcer le lecteur à révérer le monarque qui juge, et à plaindre le père qui condamne son fils».

Le second volume de l’«Histoire» fut terminé et vit le jour en 1764, pendant le règne de Catherine II.

Chapitre III

Si l’on compare l’«Histoire de la Russie sous Pierre le Grand» avec l’«Histoire de Charles XII», ce n’est pas la première qui présente tous les avantages. L’histoire du roi de Suède est de lecture facile et rappelle en cela celle d’un roman, elle est pleine de détails amusants et raconte les aventures d’un roi soldat. Certains épisodes et situations de sa vie militaire paraissent être faits pour inspirer le pinceau du peintre. Par contre, l’«Histoire de la Russie» manque de cette symétrie qui pourrait en faire un tableau harmonieux dans son ensemble: tandis que Voltaire se propose d’écrire l’histoire du pays, c’est l’histoire du monarque qui sort de sa plume. Les agissements du tsar se dessinent au premier plan et cachent parfois même son œuvre. L’attention du lecteur est constamment divisée. L’auteur oublie le but qu’il s’était proposé, ou, pour mieux dire, ne sait pas y arriver. Les meilleures pages du livre ne sont pas celles où il est question des «réformes» (qui, du reste, ne tiennent que peu de place dans l’ouvrage), mais celles qui donnent la description de la rébellion des strélitz, la catastrophe du Pruth, la conspiration de Görtz, l’affaire du tsarévitch Alexis, l’expédition de Perse. Quant à la description géographique de la Russie, Voltaire n’a su que donner un assemblage hétéroclite d’informations quelconques.

Voltaire n’a pas su démêler l’enchaînement des faits historiques ni marquer les étapes de l’œuvre régénératrice du tsar. Il n’a du reste traité la question des réformes que d’une façon toute formelle. Le manque de concordance entre le sujet choisi (c’est-à-dire une exposition des œuvres accomplies par Pierre) avec le contenu réel du livre (les faits et gestes journaliers de Pierre) a exercé une influence fâcheuse sur l’étude des grandes innovations du tsar réformateur: on finit par ne plus les distinguer qu’à grand’peine, l’esprit de réforme s’en efface, et sans les fréquentes assurances de l’auteur qui nous répète sans cesse que sous Pierre le Grand «les arts et les sciences» étaient florissantes, qu’«une nouvelle nation» venait de naître, que la Russie fit d’énormes progrès dans la voie de la civilisation, etc., on pourrait presque croire que le règne de Pierre n’eût eu rien de particulier et eût ressemblé en tout à un règne quelconque.

La personnalité de Pierre n’a pas le relief non plus. Les dénominations «législateur», «civilisateur», «réformateur», «mécanicien», «créateur», «géomètre», disséminés dans le livre ne suffisent pas pour créer une image. Les fréquentes comparaisons avec les Romulus et les Thésées de l’antiquité ne font que souligner l’absence de caractéristiques individuelles. Tandis que dans la description que Voltaire nous donne du roi de Suède nous voyons apparaître devant nous un être réel, un homme en chair et en os, le Pierre de Voltaire ne se distingue de toute autre personnage que par l’étiquette que l’auteur lui colle sur le dos. Nous avons du premier une impression visuelle, du second une image purement abstraite.

Charles XII homme était beaucoup plus proche de la mentalité de Voltaire que ne le fût Pierre. On est tout étonné de voir que dans son livre sur le tsar de Russie Voltaire ait trouvé de nouveaux traits caractérisant la personnalité de Charles, tandis que sur Pierre lui-même il n’ait rien su dire de plus ni de mieux de ce qu’il en avait déjà dit ailleurs. De peur de se répéter Voltaire s’en est tenu à ce que nous savions déjà par lui sur certains faits: ni la défaite de Narva, ni la fondation de St. Pétersbourg, ni la bataille de Poltava (pas même cette bataille!) n’ont rien gagné en évidence et en netteté de représentation dans son nouveau livre.

Les défauts de l’œuvre de Voltaire ne doivent cependant pas nous en faire oublier les qualités. 1. Nous avons là le premier livre d’histoire sur Pierre, écrit d’après des données historiques documentaires. 2. C’était également la première fois qu’on portait sur le grand tsar un jugement aussi objectif et impartial que possible. 3. Le matériel historique pris à l’étude avait été pour la première fois soumis à une critique préalable. Aussi imparfaite et insuffisante puisse-t-elle nous paraître maintenant, il n’en est pas moins vrai que l’auteur se soit efforcé de se rendre compte dans la mesure de ses moyens de la nature de la documentation obtenue afin de distinguer le vrai du faux. 4. Grâce à la simplicité de la narration, la lecture de cette œuvre était accessible à tous.

Chapitre IV

Ce chapitre contient une analyse détaillée des observations critiques faites au sujet du livre de Voltaire. Les observations elles-mêmes figurent dans l’appendice N. 6 (Sommaire). Des hommes d’opinions et de goûts opposés se rencontraient sur un même terrain; chacun comprenait la tâche d’une manière différente: de là l’impossibilité de s’entendre et l’irritation mutuelle. A Pétersbourg on ne voulait pas seulement qu’un livre sur Pierre le Grand fût écrit: on voulait, avant tout, laver la mémoire du tsar de la boue dont elle avait été souillée en Europe. Ils n’étaient pas nombreux ceux qui auraient prétendu pour tout de bon de contester au tsar le mérite de ses œuvres et cependant les écrits qui circulaient sur lui étaient si peu véridiques que les faits apparaissaient dénaturés par l’anecdote tendancieuse, les bruits inconsidérés et quelquefois même

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